Livre augmenté : dtdpc-09

Chapitre 09 – Nuits blanches

Page 49 de l'ouvrage

Sans conteste, le magazine LE HAUT-PARLEUR fut autant apprécié pour son rédactionnel que pour ses très nombreuses pages de publicités. Les annonceurs n’avaient pas vraiment le choix, les revues de vulgarisation radioélectriques n’étant pas légion.
Ces pages de « réclames » parfois désordonnées et un peu fouillis constituaient de véritables catalogues de références des fournitures et équipements proposés par les vendeurs.
Pour les lecteurs, cette avalanche de pubs (des dizaines de pages) affichait les vitrines quasi exhaustives de tout ce qu’il était possible de trouver dans le domaine de la radio, du surplus, du son et de l’image.
Personne ne se plaignait de cette quantité presque choquante de pages uniquement dédiées à la pub dont l’amateur se délectait de la première à la dernière ligne.
Chacun se déplaçait avec son magazine sous le bras et l’ouvrait sur le comptoir de la boutique en précisant ce qu’il souhaitait voir ou acheter. Les plus gros revendeurs de la place pouvaient mobiliser chaque mois jusqu’à trois voire quatre pages de publicités au sein de cette bible de l’amateur, en présentant ainsi la totalité des références de leurs produits !
Combien de fois me suis-je endormi sur cette épaisse revue, mes yeux n’acceptant plus de relire encore et encore le descriptif du récepteur de trafic BC342 !

 

Les Docks de la Radio vendaient à peu près tout ce qui avait un rapport avec l’émission et la réception, mais aussi de très nombreux composants électroniques issus du surplus. Le patron n’étant pas sectaire mais plutôt opportuniste, il pouvait proposer des articles un peu « décalés » comme des bouteilles d’air comprimé ou des radiateurs électriques, bien calés entre deux pubs de postes du surplus de l’armée...

 

La réputation de l’établissement Cirque-Radio, dans le seul domaine du matériel radio du surplus des armées, lui concédait une place privilégiée chez les amateurs. On y trouvait toujours des merveilles et des références uniques d’équipements souvent neufs ou en très bon état. Cirque-Radio insérait ses publicités le plus souvent dans les pages roses du magazine, réservées aux articles abordant des aspects théoriques et technologiques de la radioélectricité, parfois sous l’angle de l’initiation. Cette position particulière dans la revue n’était pas innocente. On la repérait plus facilement !

Après avoir réuni l’énorme somme de 450 francs (plusieurs mois de négociation, d’argent de poche passé, présent et à venir et d’anticipation sur les prochains cadeaux des fêtes et anniversaires), mon cousin et moi nous rendîmes chez Marguerite où nous avions sélectionné la meilleure offre grâce aux pages de publicités de notre magazine favori.
Pêle-mêle dans le couloir de l’entrée exiguë de l’établissement, des gros cartons entassés à la va-vite sans apparente logique, renfermaient quantité de BC342.
Le maître des lieux ne souhaita pas nous designer un appareil plutôt qu’un autre ; tous affichaient un prix unique, bien que l’état apparent des récepteurs variait du neuf à l’occasion douteuse…
C’était à nous de voir. Ce fut vite vu : on remua quelques cartons, on déballa à la force des bras (il fallait être costaud pour manipuler ces bestioles) quelques exemplaires et on sélectionna celui qui nous apparut le plus propre, le plus « neuf » !
A la question de savoir si le récepteur était bien fonctionnel, le patron répliquait invariablement qu’il vendait les équipements en l’état et qu’il n’allait pas, pour ce prix-là, les mettre tous sous tension !
Il se rattrapa quelque peu de ces propos désinvoltes en nous promettant que si l’équipement ne fonctionnait pas il nous l’échangerait, mais que ça ne lui était jamais arrivé…
Nous n’avions pas d’autre choix que de lui faire confiance et de prier pour avoir tiré un bon numéro ! On tenta bien de ramener le prix à 400 francs, mais le simple regard de notre interlocuteur nous coupa toute volonté de poursuivre dans cette direction scabreuse… Il dut se rendre compte de notre désarroi car il nous invita à piocher dans ses bacs de pièces détachées, un ou deux accessoires « en prime » de l’achat du récepteur.

Le récepteur fut installé et raccordé avec un tel soin qu’il aurait sans doute déclenché les rires moqueurs de ses concepteurs. Lui qui avait été prévu pour séjourner dans des véhicules militaires et exploité dans des conditions extrêmes, n’avait sans doute que faire de l’attention quasi maternelle que nous lui portions !
Après une petite minute de chauffe, le souffle salutaire du bruit de fond des ondes courtes se fit entendre. Il ne nous fallut pas longtemps pour capter la première station de radiodiffusion.
Nous avions tellement lu et relu les documents d’utilisation que nos doigts saisissaient instinctivement les bonnes commandes, sans la moindre hésitation.
Après quelques heures, nous avions parfaitement intégré les subtilités et l’effet exact de chaque bouton de la face avant du récepteur, sur la sensibilité, le volume et la clarté du son entendu.
La nuit, la faible lueur jaunâtre de son cadran envahissait la petite chambre où nous étions bien calés, assis devant cette masse noire, l’oreille affûtée.
Ce BC342 conçu pour l’U.S. Army nous ouvrait maintenant les portes de la connaissance du monde.

Notes et références

  • Images des pages des publicités du magazine le HAUT-PARLEUR.
    Editions n°1044 d’octobre 1961 ; n°1059 de janvier 1963 aimablement prêtées par Daniel Maignan.
  • Page internet d’accueil des couvertures du magazine LE HAUT-PARLEUR : accessible ici (Site web de Jean-Marie Birsinger).
    Page internet d’accueil des sommaires du magazine LE HAUT-PARLEUR : accessible ici (Site web de la base ANPERE -(ANciens PERiodiques d'Electronique)).
  • Page internet de l’illustration du récepteur BC342 : accessible ici © Jean-Luc F6HOY.
    Autres clichés de ce récepteur (vues intérieures) : accessibles ici © Jean-Luc F6HOY.
    Notice d’utilisation complète du récepteur BC342 (en anglais) : accessible ici © Jean-Luc F6HOY.